10 novembre, journée d’action européenne contre l’impunité des multinationales

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Ce dossier réalisé en novembre 2014, a été actualisé en novembre 2015, pour tenir compte des avancées concernant la régulation des pratiques des multinationales.

Le 10 novembre 1995, Ken Saro-Wiwa, écrivain et producteur nigérian, militant écologiste et lauréat du prix Nobel alternatif en 1994, est exécuté par pendaison pour s’être battu contre les violations commises à l’encontre du peuple Ogoni par des compagnies européennes dont Shell et Total.
Depuis 2010, le 10 novembre, en commémoration de cette exécution, est devenue la Journée européenne d’action contre l’impunité des multinationales.

Un réseau de 250 organisations de la société civile représentant 15 pays européens demande à l’Union européenne d’adopter un cadre législatif contraignant pour que les multinationales soient responsables des impacts de leurs activités sur les personnes et sur l’environnement.
De la pollution en Afrique du Sud au travail des enfants en Inde, les multinationales continuent de bénéficier de l’absence d’un cadre juridique régulant leurs opérations et ne sont pas tenues responsables des violations des droits humains ou environnementaux qu’elles commettent ou dont elles sont complices.

Le cas du Rana Plaza au Bangladesh illustre malheureusement très bien cette situation. L’effondrement de cet immeuble abritant des ateliers de confection avait provoqué la mort de 1138 ouvriers textiles et blessé plus de 2000 autres en avril 2013. Dix-huit mois après la catastrophe, les victimes luttent encore pour obtenir justice et réparation, même si Camaïeu et plus récemment Auchan ont accepté de verser des indemnités.

Cette impunité des multinationales pourrait être mise à mal par les récentes dispositions prises au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU.
Le 26 juin 2014, a été voté un projet de résolution déposé par l’Equateur et l’Afrique du Sud, afin d"élaborer de nouvelles normes internationales contraignantes pour les multinationales dans le respect des droits humains. Malgré l’opposition de l’Union européenne et des Etats-Unis qui font passer les intérêts des multinationales au-dessus de la protection des droits humains, la résolution a été votée. Elle vise à remplacer par des normes contraignantes les codes volontaires de conduite et les principes actuels non-contraignants, rendus inefficaces par les arsenaux juridiques dont disposent les sociétés transnationales en cas de catastrophes, dont les exemples sont hélas très nombreux : Bhopal en Inde, Chevron en Equateur, Marikana en Afrique du Sud ou Rana Plaza au Bangladesh...

Malgré cet espoir après le vote du 26 juin 2014, l’avenir est loin d’être souriant.

En effet des accords de libre échange et d’investissement, connus sous les sigles TAFTA [1], CETA [2] et TISA [3], sont en cours de négociation dans le plus grand secret.
S’ils sont adoptés, ils consacreront la domination des multinationales sur nos sociétés, au détriment des citoyens(nes) et de la démocratie. Quid alors du projet de résolution du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU ?
le 11 octobre 2014, s’est déroulée une journée d’action anti-TAFTA. Plus de 1000 initiatives, dont de grandes manifestations, ont été organisées dans 22 capitales européennes pour dénoncer ces traités. 70 rassemblements ont eu lieu partout en France.

Le chemin est encore long et semé d’embûches avant que ne cesse l’impunité des multinationales.

Depuis novembre 2014, la situation concernant l’impunité des multinationales a évolué positivement, même si beaucoup reste encore à faire.
Du 6 au 10 juillet 2015 a pu se tenir un groupe de travail intergouvernemental dans le cadre de l’ONU qui a travaillé sur la mise en place d’un instrument international contraignant sur les sociétés transnationales (STN), et les droits de l’homme.

Cinquante-deux Etats, en grande majorité des pays du Sud, ont mis ce futur accord sur les rails. Les pays occidentaux, en particulier ceux de l’union européenne restent très frileux face aux propositions du groupe de travail.
Tous les liens en fin de dossier sont très régulièrement actualisés et permettent d’aller plus loin.

A lire

Multinationales, les "sorcières" toujours là ! Informations et commentaires N° 162
Collectif, Association pour un nouveau développement, 2013
Un dossier complet pour comprendre l’impunité des sociétés transnationales et réfléchir aux régulations à mettre en place.

Les prédateurs du béton : enquête sur la multinationale Vinci
LA CASINIERE, Nicolas De, LIBERTALIA, 2013
L’auteur présente le groupe Vinci, devenu un des leaders mondiaux du BTP. Il explique l’étendue de son pouvoir, ses pratiques de prédateur, profitant de toutes les opportunités pour conforter son développement tout en arborant un discours officiel écologique et respectueux de l’humain.

Multinationales : des principes meilleurs pour une vie meilleure
L’’observateur de l’OCDE, N° 285, 2011
En 1976, l’OCDE a publié des principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales. Ces recommandations de bonne conduite visaient à protéger certains droits, favoriser une bonne gouvernance et lutter contre la corruption. Cet article donne des précisions sur la dernière mise à jour de 2011. Tous les pays de l’OCDE et d’autres, hors OCDE, ont adhéré aux principes directeurs. Une partie consacrée à la vigilance sur les violations potentielles des droits de l’homme et une autre sur le versement de salaires décents ont été ajoutées.

L’économie déboussolée  : Multinationales, paradis fiscaux et captation des richesses
MERCKERT, Jean, NELH, Cécile, CCFD-TERRE SOLIDAIRE, 2010
Ce rapport retrace les principales inégalités entre les pays du nord et du sud, notamment sur les questions touchant à l’économie (entreprises, productivité, commerce international, échanges, multinationales,etc).

Total(e) impunité : Les dessous d’une multinationale au dessus de tout soupçon
DEMONT-PIEROT, Jean-Philippe, RESPUBLICA, 2010
Ce pamphlet dénonce d’abord comment Total soutient la junte birmane et exploite la population par le contrat signé en 1992 pour le gaz de Yadana et le pipe-line vers la Thaïlande. Il aborde ensuite d’autres dossiers : Irak, Erika, AZF, Kazakhstan, Nigeria, Canada... Il critique le système fiscal qui exonère Total en France, le peu d’implication de la société dans les énergies renouvelables malgré la nécessité de la transition énergétique pour en finir avec un système où la souffrance des uns assure la prospérité des autres.

A voir

Les damnées du low cost.
GINTZBURGER, Anne, Chasseurs d’images, 2014
C’est d’abord un cri qui résonne et glace le sang. Puis ce sont des visages de femmes, les yeux fermés et la rage tournée vers le ciel. Elles viennent de perdre leur fille, leur mère. Ce 24 avril 2013, le cri des ouvrières du Bangladesh, et les 1200 cadavres sortis des décombres de leur usine ont fait le tour de la planète.
Après les deuils, voici le temps de l’enquête sur les responsabilités.
Le miracle low cost n’est qu’un mirage.
Le drame du Rana Plaza, après tant d’autres, est LA goutte d’eau qui donnera peut-être un coup d’arrêt à la course folle de l’économie mondialisée.
La mondialisation n’est plus seulement un mot, elle a aujourd’hui le visage de la femme anonyme qui nous interpelle avec force.

Caimanes : Les eaux volées
KARAKARTAL, Elif, OSSANDO, Alfonso, CAIMANES [CHILI], 2013, 60 mn.
Les habitants du village de Caimanes au Chili tentent de résister à la compagnie minière Los Pelambras, filiale de la multinationale Antofagasta minerals PLC, qui a fait construire à 8 km en amont de leur village le plus grand réservoir de déchets miniers d’Amérique latine. Depuis, la petite communauté est privée d’eau pour les cultures et pour la consommation. Le film montre l’ampleur du désastre écologique et social.

Blocus 138
LEBLANC, Junior, DE LA PLUME A L’ECRAN (DPAE), 2012, 7 mn.
9 mars 2012, un groupe d’autochtones de la réserve innue de Maliotenam, proche de Sept-Îles, bloque depuis cinq jours la route 138 pour s’opposer aux travaux d’Hydro-Québec sur la rivière Romaine. La Sûreté du Québec, appuyée par l’escouade anti-émeute, intervient alors pour démanteler les barricades. Blocus 138 parvient en quelques minutes à saisir l’émotion de l’événement.

Films d’ateliers vidéo du Collectif Guatemala,
DE LA PLUME A L’ECRAN, COLLECTIF GUATEMALA, 2011, 63 mn.
Les films présentés sont issus des ateliers vidéo qu’organise le Collectif Guatemala depuis plus de 5 ans à travers tout le pays pour témoigner de la lutte des communautés pour l’auto-détermination et face aux projets des multinationales.

Des dérives de l’art aux dérivés du pétrole
LASSALLE, Grégory, 2012
Un documentaire sur les activités de la multinationale pétrolière franco-britannique PERENCO, exploitant les ressources du Guatemala et menaçant la vie des populations indigènes locales. Les descendants mayas actuels sont mis en danger par une série de politiques néolibérales, relayées au travers des industries pétrolières. Ce documentaire pose la question de l’accaparement de la terre et de la maîtrise des ressources.

Zambie : à qui profite le cuivre ?
GALLET, Audrey, ODIOT, Alice, HOREL, Stéphane, YAMI2, 2011
La Zambie, ancienne Rhodésie du Nord, dispose d’un sous-sol riche en ressources. Après son indépendance en 1964, son économie dépendait essentiellement de l’extraction du cuivre.
Le film nous présente le site de Mopani sur la commune de Mufulira, exploité par Glencore, leader mondial des matières premières. Sur les lieux, nous découvrons l’impact catastrophique de cette opération sur l’économie, l’emploi, la population, le cadre de vie et l’environnement à Mufulira ainsi que sur le pays tout entier.

L’enfer au paradis, agro-carburants : de la recette miracle au scénario d’horreur
GARBELY, Franck, 3SAT, 2010
La culture de plantes énergétiques est mise en place avec violence à Choco en Colombie. C’est une guerre de pillage, de vols de terre et de violences extrêmes pour chasser les habitants. L’épuisement des réserves pétrolières et la production d’agro-énergie qui s’intensifie risquent de devenir une guerre économique sans pitié pour les hommes victimes.

Planète à vendre
MARANT, Alexis, CAPA, 2010, 90 mn.
Alors que la crise financière et les émeutes de la faim de 2008 alertent l’opinion, le phénomène de l’accaparement des terres dans les pays du Sud bat son plein. Le film, à travers le regard de Javier Blas, journaliste du Financial Times, présente les divers acteurs : pays du Golfe, multinationales (indienne en l’occurrence) et fonds d’investissement. Il donne la parole à des investisseurs décomplexés et aussi à des paysans dans divers pays : Éthiopie, Argentine, Uruguay. Sous prétexte de nourrir la planète, l’agriculture industrielle exclut les paysans et ruine la biodiversité.

Campagnes en cours

Les prix Pinocchio du développement durable, organisés par les Amis de la Terre France, en partenariat avec le CRID et Peuples Solidaires, ont pour but d’illustrer et de dénoncer les impacts négatifs de certaines entreprises multinationales, en totale contradiction avec le concept de développement durable qu’elles utilisent abondamment.

Avaaz : TAFTA Empêchons le coup de force des multinationales !

Peuples Solidaires a lancé une campagne afin que les entreprises multinationales cessent d’échapper à l’impôt dans les pays pauvres où elles opèrent. -

Le collectif " Ethique sur l’étiquette" a lancé le 16 octobre une campagne intitulée "l’appel citoyen pour un salaire vital" visant à exiger des entreprises qu’elles versent un salaire décent aux travailleurs(euses) des pays du Sud afin qu’ils puissent se nourrir, se loger, se soigner et envoyer leurs enfants à l’école.

Amnesty International a lancé une campagne "Faites pas l’autruche" pour mettre un coup de projecteur sur le vide juridique entourant la responsabilité des entreprises multinationales quant aux violations des droits humains perpétrées par leurs filiales et sous-traitants, et pour interpeller les décideurs, alors qu’une proposition de loi dort à l’Assemblée Nationale.

Pour aller plus loin

Communiqué de presse du Cetim : Pour en savoir plus sur l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant pour réglementer les activités des sociétés transnationales.

Collectif Stop TAFTA : Pour découvrir les enjeux du projet de Grand marché transatlantique et sur les initiatives citoyennes pour empêcher que soient conclus les accords TTIP/TAFTA et CETA.

Les actualités d’Amnesty International sur les acteurs économiques : Pour découvrir de nombreuses violations des Droits humains et environnementaux et les résistances des populations qui y sont confrontées.

Notes

[1TAFTA : accord sur le commerce des services entre Etats-Unis, Union européenne, Suisse et Canada

[2CETA : accord sur le commerce des services entre Etats-Unis, Union européenne, Suisse et Canada

[3TISA : accord sur le commerce des services entre Etats-Unis, Union européenne, Suisse et Canada

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