Un tourisme en quête de sens

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Le 2 juin de chaque année depuis 2007, est organisée la journée mondiale pour un tourisme responsable à l’initiative de la Coalition Internationale pour un Tourisme Responsable qui regroupe des professionnels du tourisme et des ONG. L’objectif de cette journée est de sensibiliser, au niveau international, l’ensemble des acteurs impliqués dans ce secteur à d’autres formes de tourisme, plus respectueuses des hommes et de l’environnement.

Le Tourisme, un secteur économique important, mais inéquitable et souvent nuisible

En quelques décennies le tourisme est devenu un secteur clé de l’économie mondiale qui connaît une forte expansion. A lui seul il représente 12% du PIB mondial, 8% de l’emploi mondial et il a généré 1200 milliards de dollars de recettes en 2013.
Ce sont les pays du Nord qui sont les principaux émetteurs et récepteurs de touristes internationaux dont le nombre s’est élevé à plus d’un milliard en 2014. Mais la part des pays du Sud ne cesse d’augmenter ; ces pays ont accueilli 40% des touristes ces dernières années. Encouragés par les institutions internationales notamment le FMI et l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), ils misent sur le tourisme, créateur d’emplois et censé leur apporter des devises fortes. Selon l’OMT, le tourisme constitue même la principale source de devises étrangères pour 46 des 49 pays les moins avancés. Le tourisme peut donc apparaître comme un facteur de croissance pour les pays du Sud, mais la réalité est moins évidente et les retombées financières, sociales, culturelles et environnementales sont le plus souvent problématiques voire dramatiques pour ces pays.

Ils ne profitent que d’une partie des recettes du tourisme car une part importante revient aux multinationales occidentales qui dominent le tourisme international ; par exemple 60% des recettes touristiques de la Thaïlande quittent le pays et retournent au Nord. Quant à la prétendue contribution du tourisme à la création d’emplois, elle se limite à des emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés.
Les effets sociaux peuvent être dévastateurs. Dans les régions très fréquentées des pays du Sud, le tourisme vient bousculer les modes de vie et les structures sociales traditionnelles en poussant à l’exode rural les artisans et les paysans en quête de revenus plus élevés, en créant des réflexes de mendicité et en aggravant la prostitution. De plus, on assiste souvent à une marchandisation des cultures locales : sous la pression des touristes, les fêtes traditionnelles et les pratiques religieuses peuvent en arriver à se vider de leur sens.

L’impact environnemental et écologique est plus médiatisé que les questions sociales et culturelles. Il est bien connu que le tourisme cause de grands dégâts sur l’environnement : disparition d’espèces, pollutions diverses, dégradation des paysages et des sites, utilisation immodérée des ressources naturelles. Aujourd’hui, dans nombre de pays du Sud, le problème le plus crucial est celui de l’eau : un hôtel utilise en moyenne 7 à 10 fois plus d’eau qu’un habitant pour cultiver son champ.

Des propositions de régulation

Plusieurs institutions internationales ont pris conscience des effets néfastes du tourisme quand il n’est pas maîtrisé et ont élaboré des Chartes et des Codes qui énoncent les principes d’un tourisme respectueux des populations et de l’environnement. Ainsi, en 1995, est adoptée la Charte du tourisme durable qui définit les exigences d’un tourisme économiquement, socialement et écologiquement acceptable. En 1999, l’ OMT élabore le Code mondial d’éthique qui fixe les règles de conduite à l’intention des états, des entreprises privées et des simples voyageurs. En France, le secrétariat au tourisme a adopté en 2000 la Charte « tourisme éthique » inspirée du Code mondial d’éthique, signée par les plus grands professionnels du secteur.
Tous ces textes énoncent les règles d’un tourisme responsable mais ils ne sont pas juridiquement contraignants pour les signataires, ce qui limite leur poids ! Mais ils donnent un cadre à la société civile pour contester les formes prédatrices du tourisme de masse.

Vers un tourisme alternatif

Sur le marché, en grande partie en réaction aux dégâts du tourisme de masse, depuis 1970 surtout, s’est développé un tourisme alternatif dont les appellations varient : tourisme équitable, durable, écologique, éthique, solidaire mais toutes renvoient, selon des modalités diverses, à la responsabilité du tourisme dans le bien-être des populations visitées. On peut distinguer 2 types principaux de tourisme alternatif :

  • Le tourisme responsable qui selon l’OMT doit être « supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique, équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales ». Son principe majeur est le respect : respect de l’environnement, des cultures et des modes de vie locaux. L’échange et la rencontre avec des acteurs locaux sont au cœur des voyages responsables.
  • Le tourisme solidaire partage les mêmes valeurs que le tourisme responsable mais il va plus loin en instaurant des partenariats équilibrés avec les populations locales et en consacrant une partie du prix du voyage au financement de projets de développement élaborés par ou avec la population d’accueil (création d’écoles, de dispensaires...)

Les acteurs de ce tourisme alternatif se sont structurés et se sont professionnalisés.
En France, le tourisme responsable est représenté essentiellement par ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) né en 2004, qui rassemble 13 voyagistes (Atalante, La Balaguère, Voyageurs du monde...) et qui a mis en place le label ATR.
En 2006, une dizaine d’ associations de tourisme solidaire ont formé l’ATES (Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire) qui compte aujourd’hui 35 membres engagés autour d’une charte commune et qui a créé un label du tourisme équitable et solidaire.

Pour l’instant ce tourisme alternatif ne concerne qu’une infime partie des voyageurs. En 2012 , les voyagistes de l’ATR représentent 100000 voyageurs par an et ceux de l’ATES environ 20000. En outre ces voyages sont plus chers que les voyages traditionnels et ne concernent donc qu’une minorité.

Il existe aussi, dans certains pays du Sud, des communautés qui résistent à la destruction de l’environnement et à la perte d’identité ; c’est le cas, par exemple des indiens de l’ile de Téquilé sur le lac Titicaca. Ils ont décidé un jour de contrôler leur tourisme.

Au delà de toutes ces initiatives qui se développent tant au Nord qu’au Sud dans une moindre mesure, il apparaît que le tourisme n’évoluera dans un sens positif que si le touriste-consommateur lui-même prend conscience de sa propre responsabilité et en vient à orienter l’activité touristique par ses choix et ses refus.

A lire

Le rôle des firmes multinationales dans l’intégration des marchés touristiques entre l’Europe et le Maghreb
in MAGHREB-MACHREK N° 220, 2014, P. 35-55.
Cet article étudie le rôle des firmes touristiques européennes dans le processus d’intégration en profondeur de l’économie euro-méditerranéenne. Les analyses sont centrées sur les grands groupes de l’hébergement et du tour-operating, actifs en Tunisie et au Maroc. On constate que le mode de production que les firmes imposent aux partenaires locaux, s’apparente à bien des égards à une pratique anticoncurrentielle qui perpétue la domination Nord-Sud. Les acteurs locaux non-standardisés sont exclus et le développement du tourisme international a des effets négatifs sur l’environnement naturel et sur les lieux de vie des populations les plus pauvres.

Le tourisme social et solidaire
HS ALTERNATIVES ECONOMIQUES n°67, 2014/04,120 p.
Le tourisme, activité à part entière, a des effets contrastés : création de nombreux emplois, en grande partie précaires, investissements difficiles à amortir, pas bon pour la planète parce que gourmand en transports, eau et énergie... De plus, le tourisme soutenu par les pouvoirs publics, n’est pas accessible à tous, surtout faute de moyens des individus : près d’un Français sur deux ne part pas en vacances. Les associations de tourisme social et solidaire s’attachent à réduire cette fracture touristique.

Un milliard de tourisme
in ALTERNATIVES INTERNATIONALES n° 59, 2013/06, p. 50-53
Si les Occidentaux dominent toujours l’industrie florissante du tourisme, ils subissent une concurrence de plus en plus relevée de la part de la Chine, du Brésil, de la Turquie ou de l’Inde. Des pays émergents, où les vacances ne cessent de se démocratiser, qui misent résolument sur le secteur pour continuer à se développer.

Voyager autrement : vers un tourisme responsable et solidaire
Boris MARTIN, Autre ; Editions Charles Léopold Mayer ; Collection Dossier pour un débat, 2002, 161 p.
Le tourisme de masse dans les pays en développement fait depuis quelques temps l’objet de polémique. Les multiples méfaits du tourisme se sont révélés : concentration des profits financiers, exploitation des personnels locaux, déplacements forcés ou détournés des populations pour réaliser les équipements d’accueil, dégradation de l’identité culturelle, mise en péril des ressources naturelles ou de sites historiques. Rassemblant de nombreuses contributions de chercheurs, de journalistes, d’acteurs et de militants, ce nouveau dossier recense les errements du tourisme de masse, présente de nouvelles manières de voyager et soumet ces propositions à la critique. Le tourisme, une question longtemps évacuée alors qu’elle intéresse le sort de millions de personnes et le dialogue entre les peuples.

Vers un tourisme de proximité, riche d’expériences fortes
in Revue durable n° 30, 3ème trimestre 2008 ; p. 15-57
L’idée générale de ce dossier est que pour limiter l’impact du tourisme sur le climat et pérenniser des pratiques touristiques aujourd’hui beaucoup trop dépendantes du pétrole, il apparaît pertinent de voyager moins et moins loin pour profiter plus et plus longtemps des lieux de villégiature.

Chroniques de la nécropole
Golo & Dibou ; Futuropolis, mai 2010
Mélange de bande dessinée, de photos et d’extraits de journal personnel, Chroniques de la nécropole est un témoignage vivant et émouvant de la disparition d’un lieu de vie au nom de la préservation d’un site destiné à l’industrie du tourisme.

Des outils pédagogiques

Expositions :
Vacances, j’oublie tout ?
Tourisme et développement : La fin des colonies de vacances ?
Le tourisme en quête de sens

DVD
Un an de Voyage à la rencontre d’un tourisme responsable
Construire son rêve : une incitation au volontariat et au voyage alternatif. Espagne, Argentine, Chili, Bolivie.
Shali Ghali : "la ville éloignée"

Pour aller plus loin

  • Un dossier complet sur le site du réseau Ritimo : textes de référence, bibliographie, sitographie...
  • Voyageons autrement.com : portail d’information sur le tourisme responsable, dont l’objectif est d’aider les voyageurs et les acteurs du voyage à choisir des destinations qui contribuent au développement des communautés locales et à la protection de la faune et de la flore.
  • Voyages pour la planète : site dédié au thème du tourisme responsable et de l’écotourisme, qui propose un dossier "comprendre" dans lequel on trouve des définitions, la description des critères du tourisme durable, la présentation des labels du tourisme responsable...
  • ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) : ATR est une association créée en 2004 qui regroupe des tour-opérateurs qui oeuvrent dans le sens d’un tourisme plus responsable.Ces entreprises partagent des valeur communes dans l’exercice de leurs pratiques professionnelles, basées dur le respect, la solidarité, la qualité et la transparence.
  • ATES (Association pour le Tourisme responsable et solidaire) : réseau national des associations de tourisme équitable et solidaire, sélectionnées sur la base d’une grille de critères élaborée au sein de l’Union Nationale des Associations de Tourisme par un comité de pilotage. Le tourisme équitable et solidaire met au centre du voyage, l’homme et la rencontre et s’inscrit dans une logique de développement des territoires.
  • Tourism for Help-France : association basée à Genève qui a la volonté de promouvoir le tourisme solidaire et de favoriser le développement durable. En créant des sites touristiques solidaires, elle soutient financièrement des ONG ou des initiatives locales désireuses de coopérer avec leurs principes. Elle développe des projets ciblés comme la formation et/ou la réinsertion d’une population marginalisée, la protection de l’environnement.
  • Vision du Monde : : Vision du Monde est née en 1993 de la rencontre entre des paysans de l’Atlas marocain, soucieux de se diversifier dans l’agrotourisme et de plusieurs Français travaillant dans le tourisme rural et le développement local. Vision du Monde travaille avec des porteurs de projets locaux soucieux de développer un tourisme qui profite réellement aux populations locales.
  • Double Sens : l’agence de voyage propose une démarche qui s’inscrit dans une logique de développement durable, en partenariat avec des équipes locales pour promouvoir un tourisme où les retombées économiques sont partagées entre le concepteur de voyages et les communautés d’accueil.

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